Point un
Il y a 10 ans naissait la métropole du Grand Lyon, né de la volonté de deux seigneurs locaux qui n’avaient même pas discuté de leur projet avec leur vice-président. Dix ans plus tard, nous sommes face aux problèmes et la métropole restera un cas spécial, personne d’autre n’en veut. Elle s’inscrit dans une longue tendance régionaliste et européiste, persuadés comme l’écrivait Gérard Collomb dans l’introduction du premier pacte de cohérence métropolitain que la nation et la république s’était construite contre les villes. Quel contre-sens quand toute l’histoire montre le lien étroit entre souveraineté nationale et souveraineté communale. La prise de conscience nationale du peuple français dont « l’armée des savetiers et des avocats » terrassa à Valmy l’armée professionnelle des rois européens au cri de « Vive la Nation ! » s’inscrivait dans l’histoire séculaire de la construction nationale et communale ! Les Capétiens centralisateurs avaient unifié le territoire contre l’Empire et l’émiettement féodal, s’appuyant sur la langue et sur les bourgeoisies urbaines et rurales pour tenir en laisse les grands féodaux et leurs appuis étrangers. A Bouvines, où Philippe-Auguste les affrontait, c’est l’alliance du roi parisien et des milices communales bourgeoises qui sauveront la France capétienne aux cris de « Commune, Commune ! »
Oui, la nation et les communes se sont construites contre les guerres, les occupations et les seigneuries, et contre les églises. La métropole est marquée par la volonté de ceux qui voulaient la construire en effaçant les communes. C’est le défi à relever pour demain.
Point deux
L’échec de cette création institutionnelle ne fait que révéler la crise démocratique profonde qui affaiblit la France, une crise politique dans une fracture économique et sociale, résultat d’un déclin industriel, national, diplomatique. Il a fallu le Covid pour réaliser que nous n’étions plus capable de produire des masques, comme la plupart des matériels de santé. Il a fallu la crise énergétique pour réaliser que nous avions perdu la maîtrise d’une filière nucléaire qui avait construit notre indépendance et garantie l’électricité la plus décarbonée et la moins chère d’Europe. Ce sont les majorités politiques successives, de gauche comme de droite, qui n’ont été capable que de surfer sur les peurs populaires en ouvrant toujours plus largement l’espace à l’extrême-droite., jusqu’à ce que le président Hollande réalise qu’il ne pouvait être candidat et que les oligarchies tentent une révolution juridico-médiatique dont on connaît le résultat, l’incapacité des dominants à produire une majorité politique, un président sans soutien populaire qui ne vit que de tentatives de buz, une société écartelée entre la grande pauvreté, les émeutes, les ségrégations territoriales, une démocratie sans peuple, sans citoyens, réduite aux polémiques des réseaux sociaux.
Point Trois
Ce n’est pas qu’une crise française, mais une crise du modèle démocratique occidental, dit libéral, ce que les communistes appelaient la démocratie formelle. Sauf qu’elle ne met plus les formes ! elle se révèle toujours plus pour la négation du pouvoir du peuple, du référendum de 2005 à l’annulation des élections en Roumanie. On souriait des longues périodes sans gouvernement belge, mais la puissante Allemagne reine de la cogestion et des alliances larges, sombre dans la crise politique, sous pression d’une extrême-droite conquérante, parfois ouvertement néonazie, et nous alertions en décembre sur la création d’une alliance internationale brune avec l’organisation d’action politique conservatrice US et Milei, Orban, Bolsonaro, Meloni, Trump, Banon… autour du discours, le problème, c’est l’état !
Point Quatre
Oui, c’est bien une fascisation du monde occidental qui est en cours de manière accélérée et la plupart des politiques font l’autruche comme le notait Dominique de Villepin évoquant les dirigeants européens venant déposer leurs offrandes au pied du Molloch qui va les dévorer, annonçant déjà qu’ils achèteront plus de gaz et d’armes US, se prosternant devant la puissance sans combattre. La vérité de l’évolution du régime US avec Trump est crûment annoncée par le si poli Mark Zuckerberg, « la nouvelle doctrine est de jeter les moins productifs et de conserver les plus efficaces », et ce n’est pas une rupture, une des dernières lois passées par Obama mettait en place un groupe de travail pour « défendre la supériorité américaine en matière d’intelligence artificielle ». C’est la violence, la concurrence, l’écrasement des faibles, des oppositions, des contestations, bref, une fascisation occidentale. Comme le dit le fondateur de Paypal, l’expression « démocratie capitaliste » est un oxymore », une contradiction absolue dans les termes.
Point Cinq
Mais la réalité du monde, c’est le déclin occidental et son aveuglement dans le déclin. Avez-vous vu ces riches propriétaires de luxueuses villas à Los Angeles, s’enfermer dans le déni en annoncant la reconstruction de leur même maison, ne tirant aucune leçon du climat, de l’urbanisme, du service d’incendie, simplement l’illusion de leur puissance, puissance qui ne repose que sur leur planche à billet, tant que nous l’acceptons. Rappelons les émeutes de Los Angeles en 1992, plus de 50 morts et 2000 blessés, plus de 1000 bâtiments incendiés, un milliard de dégâts… mais on recommence comme avant et une amie venant de passer trois mois dans l’ouest US me disait que le plus étonnant était l’incroyable misère, la présence de masse des stupéfiants, cohabitant avec le luxe, les ségrégations et le sous-développement à quelques pas de la richesse ostentatoire.
Point Six
A l’opposé, le développement est partout où l’impérialisme ne décide pas de tout. Un petit exemple à partir d’un site d’un géographe suédois que je vous conseille, gapminder. En 1980, le revenu quotidien moyen en Chine était de l’ordre de 1$ par habitant, pour 34$ en France. En 2000, il passe à 4$ en Chine, presque 50 en France, écart divisé par 3, et à la veille de la crise COVID, l’écart encore réduit, 15$ pour un chinois, 60 pour un Français. Mais si vous poursuivez ces courbes, le revenu journalier d’un chinois sera proche du notre en 2040, 64$ pour 75$, et en 2050, ils seront très nettement devant nous…
Point Sept
Nous vivons une accélération fantastique des sciences et des techniques, une révolution du calcul qui accélère l’ancienne révolution énergétique. En mathématique et en physique, les découvertes s’accumulent et préparent l’unification de la relativité et du quantique dont l’impact sur les techniques sera de même importance que l’électronique il y a un siècle. C’est le contexte de la brutalité US. Car un rapport récent sur la puissance scientifique constate que la Chine a dépassé les États-Unis en nombre d’experts de haut niveau en sciences et technologie. L’Amérique passe de 33 % à 27 % de 2020 à 2024 pendant que la Chine grimpe de 17 % à 28 %. La Chine vient d’annoncer un ordinateur quantique avec 105 « qubits », comme Google en 2024. C’est une puissance qui permet un calcul dont la complexité dépasse le nombre d’atomes de tout l’univers ! Le monde de demain s’invente de plus en plus au sud !
C’est le premier enjeu auquel tente de répondre avec violence Trump, l’accélération d’une révolution scientifique et technique, la révolution du calcul, qui n’est plus dominée par l’occident, j’y reviendrai pour notre stratégie numérique.
Point Huit
La crise démocratique occidentale est d’abord liée à l’inadaptation de cette démocratie formelle à ses transformations accélérée du monde. Quand à gauche certains s’inquiètent de la perte de l’uranium du Niger par la France, ils n’arrivent pas à sortir de la France Afrique, à penser le développement nécessaire pour la France dans d’autres relations au sud. Or la place de la France est dans l’ouverture aux Brics, l’indépendance des USA, la sortie de l’atlantisme. Mais la gauche est enfermée dans cette culture occidentale de la guerre et de la concurrence, elle n’arrive pas à construire une espérance populaire de résistance face à la dérive fascisante du capitalisme, ne proposant au mieux que la nostalgie d’un monde qui n’est plus.
Point Neuf
C’est tout le débat ouvert par les communistes à leur dernière conférence nationale, quel projet de société progressiste en réponse à la dérive vers l’extrême-droite. Nous considérons que le seul projet qui puisse remobiliser et unir les milieux populaires divisés par le racisme, c’est l’affirmation d’un socialisme à la française, une société où ceux qui possèdent ont été remis à leur place, sous la direction de l’état socialiste, celui des ouvriers, des agriculteurs, des techniciens et ingénieurs, des enseignants, et y compris des poètes que Mayakovsky appelait les ouvriers des mots.
Point Dix
Ceux qui croyaient avoir trouvé la martingale parce qu’ils avaient réuni humain et urbain dans une seule collectivité découvrent que la conjonction de la crise des politiques sociales s’ajoutant à la crise de l’immobilier percute la métropole avec brutalité. Et la fragilité de sa construction politique apparaît quand on constate que la gauche faisait 100 000 voix au premier tour des métropolitaines de 2020 quand l’extrême-droite s’approche des 130 000 voix aux législatives 2024. Il y a bien sûr l’effet de l’abstention, et le résultat électoral est toujours une question de mobilisations comparées, mais qui peut croire que le projet métropolitain soit un projet citoyen massif, mobilisant les énergies, les jeunesses, les forces vives comme on disait, quand il semble aujourd’hui que ce soit les forces de mort qui soient à l’œuvre dans les réseaux sociaux.
Dans dix ans, tout aura encore changé, la science, les techniques, le monde, la vie politique. Nous sommes sûr que la question sera mure pour construire une autre métropole, la métropole des communes et des citoyens
C’est pourquoi tout en ayant les pieds ancrés dans les difficultés du quotidien avec les habitants, les communistes restent résolument engagés pour une autre métropole, et notamment, nous le dirons en séance une autre mobilité, un autre équilibre entre formation et emploi, bref, une autre société