Oui, une mixité sociale inégale
Oui, la mixité sociale est très inégale selon les collèges, ce que mesure un indicateur fourni par l’éducation nationale, ’l’indice de position sociale" qui tient compte des métiers des parents. Le résultat ne surprend personne. Cet indice est très bas dans les collèges de quartier populaires et très élevé dans les collèges des villes aux plus haut revenus médians et il est le plus élevé dans les établissements privés !
Ce devrait être le premier sujet de ceux qui se préoccupent de mixité sociale. Comment faire quand la moitié des familles de Lyon envoient leurs enfants dans le privé, alors que 90% des familles de Vénissieux ou Vaux-en-Velin les envoient dans le public ? Pourquoi y-a-t-il cet « évitement scolaire » qui jouent aussi des options pour ne pas mettre son enfant dans le collège de son quartier quand on estime qu’il serait moins bon, en fait parce qu’il aurait trop de parents à bas revenus, voire trop d’enfants d’origines immigrées ?
Mais la réussite des collèges de quartiers populaires !
Il faut alors regarder un autre indicateur fourni par l’éducation nationale concernant cette fois les résultats scolaires au brevet des collèges. Surprise, les écarts entre collèges de quartier prioritaires et les autres se sont fortement réduits ces dernières années, et si on tient compte de l’indice de position sociale, alors des collèges en quartier prioritaire font un meilleur travail !
D’ailleurs, il suffit de regarder les incroyables réussites de jeunes de quartier, réussites scolaires ou professionnelles, dans toutes les filières, des grandes écoles aux écoles professionnelles. Oui, il y a des décrocheurs, des enfants en rupture, des échecs, mais il vaut alors mieux être dans une école ou des renforts, des enseignants motivés, des expériences pédagogiques originales, peuvent « rattraper » une rupture que de se sentir étranger dans un milieu qui n’est pas le sien comme le montre l’excellent film « Neuilly sa mère ».
Et ceux qui croient qu’on peut déplacer les collégiens de leur quartier oublient le rythme de vie de l’enfant, les temps de transports. De plus sa vie sociale ne s’arrête pas au collège, il a des activités périscolaires, sportives, culturelles… que se passe-t-il quand il a des amis à l’école et d’autres dans le quartier ? Ou faut-il le couper carrément de son quartier ? Pourquoi se battre pour avoir plus d’équipements de qualité dans nos quartiers ? Pourquoi un contrat de ville qui travaille pour le développement du lien social ?
Oui, nos écoles de quartier, comme nos politiques publiques dans les quartiers, permettent à des milliers d’enfants de trouver leur chemin de réussite, et font un énorme travail pour amortir ce qu’il faut bien appeler des ségrégations sociales terribles. Car la mixité sociale à l’école ne peut exister sans une mixité sociale dans les quartiers ! Alors parlons-en !
La mixité sociale dans les quartiers
La politique de la ville pousse de grands projets pour transformer les quartiers, autant pour améliorer leur cadre de vie que pour permettre plus de mixité. Et ça marche ! Dans les quartiers prioritaires des minguettes, l’ANRU 1 a permis à Action Logement de réaliser 180 logements libres dont les locataires ont un revenu médian égal au revenu médian métropolitain, autrement dit, le double du revenu médian du quartier. Et nous avons construit 800 logements en accession qui ont fait venir des couches moyennes. Et encore plus est à venir dans l’ANRU 2. Oui, la rénovation urbaine, ce n’est pas que des travaux, mais aussi une transformation sociale des quartiers !
Malheureusement, la paupérisation du monde du travail s’aggrave et aggrave à l’inverse les difficultés dans les quartiers prioritaires. La crise du logement, comme la crise du mal logement aggrave les ségrégations car la majorité des locataires du parc social ne trouvent plus aucune voie de parcours résidentiel et que le revenu des demandeurs de logement social diminue en moyenne !
Ce constat est aggravé car l’état nous interdit de construire des logements sociaux neufs et de qualité dans les villes populaires. Autrement dit, si on ne peut acheter, on ne peut muter pour un meilleur logement qu’en quittant le quartier, ce qui là encore aggrave la concentration des plus en difficulté dans les quartiers dits prioritaires.
Les attributions de logement social
Il faut aussi parler des politiques d’attribution de logement et des freins à l’objectif d’attribuer 25% des logements au premier quartile de revenus hors quartiers prioritaires. Cet objectif qui vise à réduire la concentration des plus pauvres et donc de favoriser la mixité sociale n’est en fait pas très ambitieux puisque le premier quartile représente justement 25% des demandeurs. Il ne s’agit donc que de demander de ne pas avoir de discriminations contre les bas revenus ! Sauf que nous en sommes très loin, et que malgré les efforts réalisés par la métropole depuis longtemps, encore plus ces dernières années, il y a des réservataires et des attributaires qui ne contribuent pas à atteindre cet objectif, au contraire. Le résultat est que les plus pauvres ne trouvent que très difficilement des logements ailleurs que dans les quartiers populaires.
Alors prenons ensemble des mesures pour construire plus de logements sociaux en PLAI et PLUS dans les communes qui en ont peu, et des mesures pour atteindre rapidement l’objectif de 25% du premier quartile hors quartiers prioritaires.
L’effet sur l’indice de position sociale des collèges sera immédiat ! Et nous aurons plus fait pour la mixité sociale que toutes les mesures de carte scolaire.
La carte scolaire
Cela dit, oui, les cartes scolaires sont un sujet important qui demande une coopération entre éducation nationale et collectivités pour croiser les connaissances sociales, urbaines et scolaires.
C’est ce que fait la ville de Vénissieux de manière continue et que nous continuerons à faire notamment dans le quartier concerné par le collège Katia Kraft puisqu’un des grands projet de la rénovation urbaine aux minguettes concerne la reconstruction de l’école Léo Lagrange. Cette école est en lisière de la balme des minguettes, entre quartier prioritaire et zone pavillonnaire, et elle était entièrement tournée vers le quartier prioritaire. En créant de nouvelles voiries pour relier le plateau à ses balmes, nous ouvrons la possibilité de casser cette frontière issue de la ZUP et de tisser des liens entre des quartiers qui s’ignoraient. La future école Léo Lagrange va ainsi être autant tournée vers le quartier que vers les balmes et donc nous aurons à redéfinir sa carte scolaire dans les prochaines années. Cela pourra conduire à une nouvelle discussion avec l’éducation nationale de la carte de Katia Kraft.
Et au plan national, l’argent public finance massivement le développement des écoles privées. Dans les années 80, c’était un sujet de débat animé, et les progressistes à gauche défendaient un principe simple, argent public, école publique, argent privé, école privée… Si on redirigeait l’effort public pour l’éducation vers les seules écoles publiques, alors on pourrait réduire les effectifs, se limiter à des collèges 500 places par exemple, et donc en construire plus. L’effet sur la mixité sociale serait énorme car sans argent public dans l’école privée, la majorité des parents de couches moyennes inscriraient leurs enfants dans le public et agiraient collectivement pour la qualité du service public de l’éducation nationale !
Loin des polémiques politiciennes, des illusions de ceux qui cherchent en fait à justifier les comportements d’évitement scolaire ou d’orientation des plus aisés vers le privé, nous défendons l’école publique, comme le premier moteur d’éducation bien sûr, mais aussi de mixité sociale, de lien social, le premier lieu de construction d’une citoyenneté républicaine.